Sécuriser l'habitat ancien en secteurs historiques

De nombreuses communes de France comportent des quartiers à très forte densité. 

La sécurité incendie y présente une problématique importante et complexe, tant en raison de la conception-même des immeubles que de leur imbrication. Pour préserver au mieux un tel patrimoine, on ne saurait, en effet, se limiter aux traitements individuels des édifices, sans tenir compte de leur positionnement dans les cœurs historiques des cités.

Un renforcement fébrile de la règlementation

Quelques dispositions nouvelles, consécutives à la loi n° 2010-238 du 9 mars 2010 rendant obligatoire l’installation de détecteurs de fumée dans tous les lieux d’habitation, sont venues compléter récemment l’arsenal juridique (R.129-14 du CCH). Elles s’ajoutent aux réglementations existantes qui traitent de la sécurité incendie des bâtiments d’habitation en phase construction et/ou réhabilitation (arrêté du 31 janvier 1986 relatif à la protection contre l’incendie des bâtiments d’habitation, circulaire du 13 décembre 1982 relative à la sécurité des personnes en cas de travaux de réhabilitation ou d’amélioration des bâtiments d’habitation existants).

Les textes d’application de la loi du 9 mars 2010 sont les suivants : - décret n° 2011-36 du 10 janvier 2011 relatif à l’installation de détecteurs de fumée dans tous les lieux d’habitation (codifié sous CCH R.124-12 à 15)
- arrêté du 5 février 2013 relatif à l’application des articles R.129-12 à R129-15 du code de la construction et de l’habitation et plus particulièrement l’article 2, codifié sous R.129-14 du code de la construction et de l’habitation.
Au-delà de l’obligation, pour les occupants de logements, d’installer des détecteurs de fumée, ces dispositions méritent une attention particulière, dans la mesure où elles imposent aux propriétaires, à titre rétroactif, ce qui est une première, des mesures techniques complémentaires de prévention améliorant le niveau de sécurité des parties communes des immeubles collectifs anciens à usage d’habitation.

Sur la portée réelle des notions d’habitat insalubre, dangereux ou indigne

La loi n° 2003-710 du 1er août 2003 d’orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine, son décret d’application du 23 décembre 2004 et l’ordonnance du 15 décembre 2005 relative à la lutte contre l’habitat insalubre ou dangereux, permettent au maire une prescription des travaux de mise en sécurité, dès lors que leur nécessité aura été constatée.

La loi n° 2009-323 du 25 mars 2009 de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion donne de la notion d’habitat indigne la définition suivante : « constituent un habitat indigne les locaux ou installations utilisées aux fins d’habitation et impropres par nature à cet usage, ainsi que les logements dont l’état, ou celui du bâtiment dans lequel ils sont situés, expose les occupants à des risques manifestes pouvant porter atteinte à leur sécurité physique ou à leur santé ».

On peut objectivement s’interroger si un immeuble d’habitation n’entre pas dans le champ d’application de ces deux lois, dès lors qu’il présente, sur le plan de l’incendie, un risque important avéré pour la sécurité de ses occupants. Les deux lois précitées confèrent désormais aux responsables publics, à la fois une obligation d’agir et les moyens juridiques de le faire.

Mais la dangerosité d’un immeuble d’habitation collectif ancien ne s’apprécie pas, sur le plan des risques d’incendie, sur une simple impression visuelle de l’état de ses communs ou de sa façade. Il est donc nécessaire, afin qu’un maire, respectivement un préfet, puisse pleinement exercer ses prérogatives en matière de prévention des risques, qu’il ait préalablement connaissance de la précarité avérée de l’objet. C’est là, toute la difficulté !

Inciter et accompagner à la prévention des risques d’incendie

Il apparaît essentiel, dans un premier temps, que les pouvoirs publics incitent et guident les propriétaires privés vers une meilleure mise en sécurité de leur patrimoine.
Une information publique sur les risques d’incendie spécifiques à l’habitat ancien et les possibilités dont disposent les maîtres d’ouvrage pour y faire face constitue, selon nous, une première étape dans le processus de mise en sécurité du patrimoine.
Un outil pédagogique, à l’exemple de ce que nous avons réalisé à destination des bailleurs sociaux et gestionnaires immobiliers, pourrait constituer le support d’une communication publique portée, sous l’égide des représentants des pouvoirs publics, par des sapeurs-pompiers assistés, le cas échéant, par un bureau d’ingénierie privé, spécialisé en sécurité incendie.
Dans un second temps, un inventaire précis de chaque quartier vulnérable et une définition des mesures reposant sur une analyse et une évaluation des risques globale, pourraient conduire vers des recommandations d’actions et travaux, elles-mêmes hiérarchisées en fonction de leur degré d’urgence ainsi que des contraintes techniques et économiques qu’elles posent aux maîtres d’ouvrage. Il s’agit là d’un volet technique incontournable qui, toutefois, doit préalablement obtenir l’aval des propriétaires, dans la mesure où il leur incombe d’en supporter le coût.

La démarche globale pourrait, d’une part, amener les propriétaires à mieux comprendre l’intérêt de certains investissements, en vue de préserver leur patrimoine et, d’autre part, constituer, pour le maire, un véritable schéma directeur de mise en sécurité, guide complémentaire indispensable pour la planification urbanistique de la commune
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Des travaux souvent simples tels qu’une obturation d’intercommunication entre combles d’immeubles voisins ou un renforcement de la résistance au feu de certaines cloisons séparatives peuvent, à des coûts raisonnables, augmenter considérablement l’isolement au feu entre bâtiments et, par conséquent, freiner la propagation d’un incendie entre constructions voisines.
Dans le même esprit, des mesures internes de protection des locaux à risques, de renforcement de la résistance au feu des certaines portes, de désenfumage de cages d’escalier, pour ne citer que les principales, contribuent efficacement à réduire les conséquences d’un feu, à l’intérieur même d’un bâtiment.
De telles études et actions correctives pourraient, par ailleurs, être financièrement encouragées, notamment par l’ANHA, dans le cadre d’opérations telles que les Opérations Programmées d’Amélioration de l’Habitat ou équivalentes.

 

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L'exemple de CHAMBERY

La Ville de Chambéry, confrontée à une problématique similaire, a, en 2004, lancé une démarche dont les réflexions ont notamment abouti à des interventions sur le bâti avec la mise en place, en juillet 2008, d’une OPAH (opération programmée d’amélioration de l’habitat) sécurité incendie.
Mais les pouvoirs du maire restent limités, s’agissant de bâtiments à usage principal d’habitation qui, contrairement aux établissements recevant du public, ne relèvent pas directement de ses pouvoirs de police administrative et des compétences des commissions de sécurité.
C’est ainsi que des mesures de renforcement de la résistance au feu de certaines parties de constructions, dictées par le bon sens, avaient, suite à la démarche précitée, été imposées par arrêté du maire de Chambéry, dès 2004. Elles se sont toutefois vues partiellement annulées par jugement du Tribunal Administratif de Grenoble, en 2007.


Un besoin d’analyse et d’évaluation des risques à deux niveaux

La problématique est double.

Elle est tout d’abord liée au risque que présente, individuellement, chaque immeuble, compte tenu de son niveau de sécurité interne. Ainsi, l’absence de barrières s’opposant à la propagation d’un feu, la charge calorifique active, etc. amèneront un bâtiment, au-delà des dégâts internes qu’il subira, à rapidement menacer son environnement, donc les constructions voisines, au sein notamment d’un même quartier.
Ce constat est d’autant plus flagrant lorsqu’il s’agit de modes de constructions anciens, à caractère historique, dont la tenue au feu est précaire.
Au-delà des immeubles considérés individuellement, la question de leur environnement constitue le second volet de la préoccupation de mise en sécurité d’un ensemble de patrimoines bâtis en secteurs historiques denses.
Dès lors, le traitement du risque spécifique lié à la concentration d’immeubles anciens et vulnérables ne saurait donc être laissée à la seule initiative de leurs propriétaires, s’agissant d’une question d‘intérêt collectif nécessitant, par définition, une approche globale.
Une telle action relève, selon nous, pleinement des pouvoirs de police du maire, qui lui sont confiés par le code général des collectivités territoriales (article L. 2212-2).
Il est donc essentiel, en vue d’apporter de l’efficacité à une démarche, d’allier l’action publique à l’information et la sensibilisation des propriétaires et maîtres d’ouvrage.

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